Être son propre leader : l’importance de s’analyser, se connaître et se diriger soi-même

Nous remercions particulièrement le Dr Glen Bandiera, FRCPC, M.Ed., BASc (génie), pour avoir développé cette ressource.

La capacité d’autoévaluation est l’un des principaux fondements du rôle de leader, et elle recoupe grandement les aspects associés au rôle de professionnel. Le premier élément du cadre LEADS est d’« être son propre leader », lequel se décompose en quatre capacités : (1) se connaître, (2) se gérer, (3) se développer et (4) faire preuve de caractère1. L’importance de ces compétences est également bien reconnue dans les ouvrages de gestion, où l’on trouve de nombreux exemples sur les façons d’adopter une approche d’autogestion2. Même s’il n’est pas nommé explicitement dans le cadre LEADS, le concept d’autoévaluation est étroitement lié aux capacités 1 et 2 : « se connaître » et « se gérer ». Se connaître soi-même signifie à la fois de bien connaître le style de leadership, de relations interpersonnelles et de collaboration que l’on préfère et ses valeurs personnelles (ce qu’on appelle également l’analyse de soi) et d’être capable de reconnaître ses forces et faiblesses en jeu devant un défi en particulier. Autrement dit, il s’agit de la capacité d’une personne à reconnaître l’incidence qu’une situation ou des circonstances particulières ont sur ses propres pensées, émotions et actions; la façon dont ces trois éléments interagissent; et la façon dont le comportement qui en découle affecte à son tour la situation ou les circonstances. Les capacités 3 et 4 – « se développer » et « faire preuve de caractère » – sont généralement comprises dans le concept de l’autodirection. De manière générale, il s’agit de la capacité d’une personne à utiliser ce qu’elle apprend d’elle-même à travers une bonne conscience de soi pour évaluer sa propre performance et à prendre des mesures pour corriger ses lacunes ou pallier leurs effets. Une revue systématique fait état des preuves qu’un enseignement bien pensé de ces concepts peut servir à « accroître la connaissance qu’ont les gens de la vision et des défis de leur organisation et leur engagement à leur égard [ainsi que] leur conscience de leurs propres forces et limites, leur motivation et leur confiance en leurs compétences de leader 3,4. » [traduction libre]

Même si ces interventions pédagogiques formelles améliorent de façon ponctuelle les connaissances et la confiance des gens, nous savons que la capacité des médecins, y compris les médecins en formation, à s’autoévaluer adéquatement est limitée. Par conséquent, des modèles de facilitation structurés et intégrés à l’environnement d’apprentissage au travail sont sans doute nécessaire5-8. L’une des difficultés auxquelles font face les superviseurs de première ligne est de reconnaître les occasions d’enseigner et d’apprendre à autoévaluer ses compétences en leadership. Une autre difficulté est de savoir encourager la réflexion nécessaire au développement de bonnes aptitudes à s’autoévaluer (voir la ressource La réflexion : un outil de développement du leadership des résidents, sous la compétence clé no 3). Enfin, il y a la difficulté à tirer profit de cette intervention et des apprentissages qui en découlent de manière à prendre des décisions assurées quant à la promotion des résidents ou leur réussite du programme. Le tableau 1 de la section Répercussions pour la CPC de la page Ressource sur le rôle CanMEDS de leader donne des exemples concrets de contextes où ces occasions peuvent se présenter. La section sur les stratégies d’évaluation comprend quelques recommandations concernant la tenue d’évaluations et d’une documentation formelles. Dans le même ordre d’idée, le reste de cette section portera sur la facilitation du processus de réflexion lié au leadership dans la pratique.

Il est conseillé de trouver une façon quelconque d’évaluer le style de leadership ou l’analyse de soi dès le début du programme de résidence. Il existe plusieurs outils formels pour ce faire, dont certains sont présentés aux sections Enseignement et Évaluation de la page sur le rôle de leader du référentiel CanMEDS. Par l’entremise de ces outils, les résidents pourront se familiariser au concept des styles de leadership et de collaboration et se faire une première idée de leurs préférences et inclinations. La clé pour réussir est de toujours choisir un outil d’évaluation validé qui reflète les compétences prioritaires du programme (leadership, collaboration, résolution de problème…); de donner aux résidents les ressources, le soutien et le temps dont ils ont besoin pour terminer le travail; de rendre ce travail et la réflexion qui s’en suivent obligatoires à la réussite du programme (ou d’un niveau); et de jumeler les résidents à une personne-ressource qui les aidera à comprendre les résultats et à élaborer un plan d’action. Ce rôle de personne-ressource pourrait convenir à un mentor du programme ou à une personne responsable du leadership dans les petits programmes. La plupart des plans de suivi intègrent une discussion sur les effets, les avantages et les inconvénients des différents styles et les façons d’optimiser ses points forts et de pallier ses points faibles. Ce travail peut ensuite servir de base pour la facilitation des réflexions et les séances de rétroaction abordées ci-dessous.

En ce qui concerne la mise en application concrète du leadership au niveau le plus informel, les membres du corps professoral devraient garder les choses simples pour trouver des exemples de mise en pratique du leadership et stimuler la discussion avec les apprenants. Demander à un apprenant comment il s’est senti dans son rôle au sein d’un comité, pendant une séance de planification en groupe ou au moment de présenter une idée d’innovation peut être suffisant pour commencer. En rattachant ensuite vos questions aux différentes composantes du cadre LEADS, vous disposerez d’un cadre de discussion : (1) De quelle façon le style de leadership que vous préférez cadre-t-il avec la tâche à accomplir? Quelles émotions positives et négatives la tâche a-t-elle suscitées en vous? Pouvez-vous cerner certaines pensées qui ont peut-être nourri ces émotions? (2) Quels ajustements avez-vous dû faire? Comment avez-vous géré vos pensées et vos sentiments pour que vos actions restent appropriées? (3) Quelles compétences ou connaissances auraient pu vous être utiles? (4) Quels sont les plans ou opportunités qui pourraient vous aider? Vous pouvez trouver dans la littérature des conseils sur la façon de montrer à une personne comment mener sa réflexion9. Certains modèles sur la manière de fournir une rétroaction, tels que le modèle R2C2 et le processus de coaching RA-OCD, peuvent aider les membres du corps professoral à établir les bases nécessaires à la tenue de discussions délicates sur les aspects personnels du leadership10.

Une stratégie facile pour s’assurer que le programme garde bien la trace des compétences en leadership de chaque apprenant peut être d’exiger que les résidents effectuent des exercices obligatoires d’autoréflexion à une fréquence raisonnable tout au long du programme. Il peut s’agir de résumés écrits d’une situation, du rôle que le résident ou la résidente y a joué et des pensées, émotions et actions qui y sont liées. Les résidents devraient être encouragés à faire une analyse personnelle de la nature de ces situations, de la qualité de leur performance et de toute prise de conscience ou surprise survenue et à fournir des plans d’action pour se préparer à des situations similaires à l’avenir. Le contenu, le poids et la pertinence de ce travail de réflexion pourront ensuite être évalués par des professeurs ou des pairs. En demandant également aux résidents de se livrer à une réflexion de suivi sur la faisabilité et l’efficacité du plan de développement personnel proposé, cela permet de pousser le processus de réflexion itératif et l’évaluation des résultats.

Une autre façon de procéder à une évaluation formelle du leadership d’un résident ou d’une résidente est de suivre un processus ciblé de rétroaction multisources (RMS). Voici quelques éléments clés d’un processus de RMS réussi : disposer d’un outil spécialement conçu pour recueillir des commentaires; se munir d’une procédure rigoureuse pour la sélection des personnes-ressources, qui comprendront des personnes nommées par le résident ou la résidente; intégrer à l’avance une composante d’autoréflexion; et procéder à une évaluation formelle du rapport qui en découle avec une personne responsable de donner la rétroaction (ce peut être ou non une personne ayant déjà un rôle d’évaluation auprès du résident ou de la résidente). Même s’il peut être difficile de saisir les capacités d’une personne à se connaître soi-même en l’observant, les capacités à se gérer soi-même peuvent être cernées en incluant dans l’outil d’évaluation des questions portant sur la capacité à se contrôler soi-même, à adopter différentes approches de leadership en fonction des circonstances et à recevoir de la rétroaction. Un plan d’action subséquent bien documenté peut ensuite servir de base à une réflexion du résident ou de la résidente sur sa performance. Nous n’avons pas trouvé d’outil largement utilisé pour ce but précis dans la formation des résidents, mais il existe deux innovations canadiennes qui pourraient servir de guide aux personnes intéressées à développer leur propre outil : l’une est un outil systématique de rétroaction multisources sur le leadership des directeurs de programme et l’autre est un outil en début de développement visant à donner une rétroaction multisources sur le leadership des résidents 11,12.

Enfin, pour les programmes qui ne souhaitent pas suivre un processus de RMS formel, il est tout de même possible d’obtenir quelques données pertinentes en incluant les compétences d’autoévaluation dans les fiches d’évaluation observationnelle, telles que les activités professionnelles confiables (APC) ou les fiches d’évaluation en cours de formation (FECF). Ces dernières sont préférables puisqu’elles sont plus étroitement liées au moment et au contexte d’une situation précise. Elles visent également à provoquer des discussions formatrices sur le développement de l’apprenant plutôt que des discussions qui résument en rétrospective la situation. Par ailleurs, les FECF ont pour but de fournir un ensemble de données sur l’apprenant en fonction de plusieurs critères d’évaluation et contextes, ce qui s’apparente à ce que fait la RMS pour une situation précise. Les APC devraient quant à elles intégrer des compétences précises d’autoévaluation et, idéalement, prévoir une discussion entre l’évaluateur et l’apprenant sur les réflexions et les apprentissages de ce dernier.

En résumé, le développement des compétences servant à s’autoévaluer de manière efficace est un long cheminement qui devrait débuter par une forme d’évaluation de base pour orienter les résidents dans la découverte des différents concepts et de leurs propres inclinations. L’idéal serait d’avoir des membres du corps professoral ayant la volonté et la capacité de trouver des activités de leadership pour les résidents et de leur donner de la rétroaction ou les guider d’une manière qui stimule leur réflexion en cours. Enfin, le programme devrait prévoir une manière quelconque de tenir compte des progrès et des compétences acquises dans ce domaine clé du leadership.

Références

  1. LEADS Canada. Lead self. The root of the matter: what every health leader should know. Ottawa : LEADS Canada; 2010. https://leadscanada.net/document/2560/LeadSelf_ExecutiveSummary_EN_2019.pdf.
  2. Gavin, M. Leadership self-assessment. How effective are you? 2019. Harvard Business School Online. https://online.hbs.edu/blog/post/leadership-self-assessment.
  3. The Leadership Framework. Self assessment tool. Leeds (UK): NHS Leadership Academy; 2012. www.leadershipacademy.nhs.uk/wp-content/uploads/2012/11/NHSLeadership-Framework-LeadershipFrameworkSelfAssessmentTool.pdf
  4. Steinert Y, Naismith L, Mann K. Faculty development initiatives designed to promote leadership in medical education. A BEME systematic review: BEME Guide No. 19. Med Teach. 2012;34:6, 483–503. DOI: 10.3109/0142159X.2012.680937
  5. Davis DA, Mazmanian PE, Fordis M, Van Harrison R, Thorpe KE, Perrier L. Accuracy of physician self-assessment compared with observed measures of competence: a systematic review. JAMA. 2006;296(9):1094–102. DOI: 10.1001/jama.296.9.1094
  6. Sargeant J, Mann K, van der Vleuten C, Metsemakers J. “Directed” self‐assessment: practice and feedback within a social context. J Contin Educ Health Prof. 2008;28(1):47–54. doi:10.1002/chp.155
  7. Eva K, Regehr G, Gruppen L. Blinded by “insight”: self-assessment and its role in performance improvement. In Hodges BD, Lingard L. The question of competence. Ithaca (NY): Cornell University Press; 2012. DOI: 10.7591/9780801465802
  8. Eva KW, Regehr G. “I’ll never play professional football” and other fallacies of self-assessment. J Contin Educ Health Prof. 2008;28(1):14–19. DOI: 10.1002/chp.150
  9. Aronson L. Twelve tips for teaching reflection at all levels of medical education. Med Teach. 2011;33:3, 200–5. DOI: 10.3109/0142159X.2010.507714
  10. Sargeant J, Armson H, Driessen E, Holmboe E, Könings K, Lockyer J, et al. Evidence-informed facilitated feedback: the R2C2 feedback model. MedEdPortal. 2016;12:10387. DOI: 10.15766/mep_2374-8265.10387
  11. Bharwani A, Swystun D, Oddone Paolucci E, Ball CG, Mack LA, Kassam A. Assessing leadership in junior resident physicians: using a new multisource feedback tool to measure Learning by Evaluation from All-inclusive 360 Degree Engagement of Residents (LEADER). BMJ Leader 2021;5:238–46.