Faire progresser l’apprentissage des médecins spécialistes pour offrir les meilleurs soins de santé à la population.

Recrutement, maintien en poste et collaboration pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre en santé au Canada 

Ma chronique précédente, intitulée « Quel est notre rôle dans la crise des ressources humaines en santé au Canada? », portait sur la grave pénurie de main-d’œuvre en santé au pays. J’ai souligné certaines mesures que prend le Collège royal pour aider à remédier à la situation. Maintenant, j’aimerais vous donner plus de détails sur nos accomplissements majeurs.  

Il importe de noter qu’aucune organisation ne peut résoudre seule ce problème; les solutions seront tributaires d’une étroite collaboration entre les systèmes responsables des facteurs qui influent sur le recrutement – dont la certification et le permis d’exercice – et sur le maintien en poste, comme les conditions de travail et le bien-être.  

C’est avec grand plaisir que nous avons annoncé, en décembre 2023, un partenariat d’envergure avec Santé Canada, qui permettra au Collège royal de prendre part aux efforts pour améliorer ces deux aspects clés. Dans le cadre du partenariat, le Collège royal a touché une contribution financière de 4,99 millions de dollars destinée à optimiser le processus d’examen des titres des diplômé·es en médecine à l’échelle internationale (DIM) et à collaborer avec ses membres et d’autres professionnel·les de la santé afin de promouvoir le bien-être et ainsi favoriser le maintien en poste des effectifs. 

Accès accru pour les DIM 

En 2023, le Collège royal a accordé l’admissibilité à l’examen à 485 personnes ayant fait leur résidence à l’extérieur du Canada, par l'intermédiaire de ses diverses voies d’accès au certificat. Comme je l’ai déjà mentionné dans ma chronique précédente, les DIM disposent de trois voies d’accès au certificat : la Route d’évaluation par la pratique, l’Accord de compétence et l’Évaluation de l’aptitude à pratiquer. Celles-ci sont en pleine expansion, et grâce à l’attention dévouée du personnel du Collège royal et au financement de Santé Canada, nous visons une croissance importante et un taux de traitement accru. Voici quelques détails et des mesures récentes qui illustrent bien l’essor observé pour chaque trajectoire.  

Route d’évaluation par la pratique  

Cette démarche consiste à reconnaître la compétence à partir de la pratique dans un autre pays. Elle s’adresse aux médecins qui ont suivi à l’étranger un programme de formation largement équivalent à celui offert au Canada, obtenu le certificat dans leur pays d’origine, exercé pendant au moins cinq ans et réussi l’examen du Collège royal. En 2022, 69 des 99 demandes reçues ont été jugées admissibles. Le nombre de demandes est passé à 254 en 2023, et 216 d’entre elles ont été accueillies. Cette année, à ce jour, nous avons reçu 443 demandes et établi l’admissibilité dans 432 cas.  

Durant le premier trimestre de 2024 seulement, le nombre de médecins admissibles a sextuplé, à la suite des changements stratégiques apportés pour accélérer le processus. Plus précisément, le Collège royal a supprimé une exigence relative au document sur le champ de pratique, qui retardait un grand nombre de médecins. Un autre changement permet aux candidat·es d’accéder aux examens écrits dès le début de leur parcours sur la Route d’évaluation par la pratique; ils et elles peuvent ainsi remplir l’une des principales exigences de cette trajectoire avant de déménager au Canada, ce qui réduit le risque. Les travaux pour l’améliorer se poursuivent; notamment, des changements stratégiques ont été proposés afin de diminuer la durée de pratique exigée ou d’accorder plus de poids à la formation complémentaire. 

Accord de compétences 

Cette mesure implique la certification par un collège étranger reconnu par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. La certification par une telle organisation permet de soumettre une demande d’admissibilité aux examens du Collège royal. En cas de réussite, le certificat est accordé sans égard à la durée de pratique. Compte tenu de la complexité de cette voie d’accès, le Collège royal songeait à l’abandonner pour la remplacer par une autre trajectoire mieux adaptée. Cependant, vu la pénurie de médecins actuelle, nous l’envisageons de nouveau, notamment en explorant les possibilités de relations mutuelles.  

En 2022, le Collège royal a reçu 219 demandes d'accès en vertu d’un accord de compétence, et 208 d’entre elles ont été accueillies. En 2023, ce nombre est passé à 249, et 244 personnes ont été jugées admissibles. Jusqu’à maintenant, nous avons reçu 188 demandes pour cette année, et déterminé que 176 d’entre elles étaient admissibles. 

L’établissement de l’équivalence de la formation et des examens de certification reconnus dans un autre pays est un processus non seulement complexe, mais aussi onéreux, particulièrement en cette période de grandes restrictions budgétaires. Cela dit, la reconnaissance des organismes de certification étrangers qui offrent des programmes de formation et des examens largement équivalents à ceux du Collège royal est d’autant plus intéressante vu l’aggravation de la crise des ressources humaines en santé.  

Évaluation de l’aptitude à pratiquer 

Cette trajectoire comprend l’observation et l’évaluation de DIM admissibles au Canada par des médecins possédant les qualifications nécessaires. Le Collège royal appuie l’Évaluation de l’aptitude à pratiquer en déterminant les compétences requises pour prodiguer des soins sécuritaires et de grande qualité dans une spécialité médicale donnée, ainsi que les modalités d’évaluation de ces compétences. Le ou la médecin responsable de l'évaluation peut donc déterminer si une personne est prête à se présenter à l’examen de certification du Collège royal ou si elle doit suivre une formation supplémentaire. La matérialisation de cette voie est parfois l’apanage de l’ordre des médecins provincial. Elle dépend aussi du financement du ministère de la Santé provincial à l’intention des médecins qui supervisent et évaluent les candidat·es, étant donné que l’Évaluation de l’aptitude à pratiquer se déroule durant la prestation de soins dans de vrais milieux cliniques.  

Le Collège royal, en partenariat avec le Conseil médical du Canada, a créé deux programmes officiels d’Évaluation de l’aptitude à pratiquer dans les disciplines de la psychiatrie et de la médecine interne, où les besoins sont criants. De plus, les ordres des médecins peuvent nommer des candidat·es qu’ils ont eux-mêmes soumis à une telle évaluation à l’échelon provincial dans une discipline donnée. Au cours des quatre dernières années, 58 candidatures ont été admises par cette voie. Récemment, le Collège royal a mis en œuvre une politique qui permet également aux facultés de médecine de nommer des candidat·es, et nous nous employons à élargir les projets pilotes (p. ex. le projet de l’Université Queen’s en anesthésiologie).  

En 2022, le Collège royal a reçu 17 demandes d’Évaluation de l’aptitude à pratiquer et les a toutes accordées. En 2023, le nombre de demandes est passé à 30, dont 25 ont été accueillies. Nous prévoyons une augmentation du nombre de demandes en 2024, à la suite des changements stratégiques permettant aux facultés de médecine agréées d’admettre des candidatures. 

Aussi essentielles que soient ces voies, nous nous engageons également à réduire le délai de traitement du Collège royal pour établir l’admissibilité. Il a diminué dans la plupart des cas, passant parfois de 18 mois à 12 semaines. D’autres améliorations sont prévues avec la progression des travaux financés par Santé Canada cette année.  

Bien-être des médecins spécialistes d’aujourd’hui et de demain 

Il est essentiel que nous, en tant qu’établissements de soins de santé, veillions au maintien en poste de l’effectif actuel. Nous connaissons l’importance du bien-être à ce chapitre. De toute évidence, la pénurie de main-d’œuvre en santé – y compris le personnel médical et infirmier – est l’un des facteurs à la source de l’épuisement professionnel, qui s’ajoute à la demande clinique croissante, aux contraintes financières et à l’adoption rapide des nouvelles technologies.  

De nombreux milieux de pratique, dont l’hôpital où je travaille, ont nommé des responsables du mieux-être des médecins et créé des bureaux du bien-être. Pour une personne en bonne santé, le bien-être implique des facteurs comme une saine alimentation, de l’exercice et des stratégies de relaxation, mais le travail va beaucoup plus loin. Assurer un accès facile aux soins pour les personnes qui développent des problèmes de santé mentale figure en tête de liste. Cet objectif repose entre autres sur des programmes d’aide aux employé·es et l'offre de consultations par les départements de psychiatrie et de psychologie. L’épuisement professionnel peut commencer dès le début de la résidence; il n’est donc jamais trop tôt pour en discuter avec les stagiaires. Des normes rigoureuses de respect et de civilité sont également essentielles dans les milieux qui favorisent le bien-être, et un protocole solide pour régler les éventuels problèmes de professionnalisme doit absolument être établi. 

En outre, selon la littérature, le sentiment qu’ont les médecins d’avoir le contrôle sur leur travail et leur investissement dans l’amélioration des systèmes et des processus sert d’antidote à l’épuisement professionnel. À titre d’exemple, dans le cadre d’une stratégie à volets multiples, la responsable du bien-être des médecins de mon institution joue un rôle clé en s’assurant que les médecins qui éprouvent des difficultés avec les dossiers électroniques des patient·es reçoivent du soutien pour parfaire leurs compétences. Elle siège également au comité de l’hôpital qui supervise l’évolution du système pour représenter la perspective des médecins.

En vertu du partenariat du Collège royal avec Santé Canada, un financement de 3,5 millions de dollars permettra de collaborer avec des organisations pour élaborer un plan national en faveur du bien-être des effectifs médicaux afin d’améliorer le maintien en poste des médecins, du personnel infirmier et d’autres professionnel·les de la santé à toutes les étapes de leur carrière.  

Nous réunissons maintenant six groupes de travail, qui seront chargés de formuler des recommandations dans les domaines clés suivants :  

  • établir et favoriser des milieux de travail positifs; 
  • investir dans la mesure, les stratégies d’évaluation et la recherche; 
  • soutenir la santé mentale et lutter contre la stigmatisation; 
  • mobiliser des ressources efficaces; 
  • instaurer le bien-être en tant que valeur; 
  • recruter un effectif diversifié et le maintenir en place.  

Voici les points saillants des activités du projet pour l’année à venir :  

  • tenue de la réunion de collaboration nationale – mai ou juin 2024; 
  • évaluation de l’épuisement professionnel – novembre 2024 (rapport final); 
  • tenue du sommet des groupes de travail et de leur présidence – septembre 2024/février 2025. 

Nous sommes enthousiastes à l’idée de collaborer avec de nombreuses organisations nationales dans le cadre d’une approche concertée qui repose sur la recherche de solutions.  

Il ne s’agit là que d’un aperçu des démarches au cœur de l’établissement du Plan national pour le bien-être des effectifs en santé tout au long de l’évolution du projet. Le but est d’aider les membres et les autres professionnel·les de la santé à réaliser leur plein potentiel et à trouver du plaisir dans leur travail. Ces activités et tous les autres programmes, initiatives et projets du Collège royal ne seraient pas possibles sans l’appui de milliers de partenaires qui siègent à nos comités, nos groupes de travail et nos conseils. Malgré les grandes tensions que subit actuellement le système de santé, leur énergie et leur passion sont remarquables et favorisent la mission du Collège royal. J’ai hâte de vous transmettre d’autres nouvelles à mesure que cet important travail se poursuit.   


Brian Hodges est le 47e président du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Il est vice-président de l’Éducation et médecin en chef au University Health Network. En plus de ses fonctions de professeur à la faculté de médecine Temerty de l’Université de Toronto et à l’École de santé publique Dalla Lana, ainsi que de Senior Fellow au Collège Massey, le Dr Hodges exerce la psychiatrie.